La mer ou la liberté règlementée


Le titre de l'association n'aura pas échappé à l'acuité de certains de nos lecteurs. Si certains y adhèrent, d'autres y voient une contradiction, ou une provocation voire un outrage au principe de la liberté des navigants

- Comment osez-vous une telle association incongrue ?

- Pourquoi fusionner législation et plaisance ?

- La mer n'est-elle pas étrangère à toute forme de contrainte ?

 

En premier lieu, la mer est un espace paradoxal et complexe comme le rappelait une formule usuellement attribuée au philosophe Platon " Il y a les vivants, il y a les morts, et il y a ceux qui vont sur les mers.". Autrement dit, si les terriens sont vivants, les marins ne seraient que des morts en sursis, toujours vivants mais déjà inévitablement morts. La mer, espace par essence hostile au terrien, accueille les marins intrépides et désireux d'une vie singulière, une vie qui emprunte au courage, à la quête de liberté mais aussi à la rigueur, à la discipline et aux responsabilités... Une premier lien apparaît : vouloir affronter les océans emporte une responsabilisation de soi.

Aujourd'hui, en comparaision au droit terrestre, la mer reste encore très largement un espace de liberté, faiblement réglementé et accessible à tous.

 

La mer : un espace de liberté responsabilisant le citoyen des mers

Le risque encouru par le marin est la liberté qu'il peut gagner en agissant en homme responsable. A défaut, il ne saura maîtriser son embarcation et les éléments et ne dépendra plus de sa seule ambition. Or la perte d'autonomie dans son destin d'homme libre est une entrave à son désir de liberté.

Penser le monde maritime comme un espace du tout liberté, dans lequel le navigant vie sans règle, sorte de retour à l'état de nature, c'est finalement rattacher la liberté à l'aléa de la navigation. Or l'aléatoire n'est-il pas source d'anxiété et en conséquence un frein au bonheur de sa propre condition humaine ?

 

La mer : un espace règlementée

Si le capitaine est "seul maître à bord après Dieu", il le reste dans la limite du respect des lois qui l'encadrent. Aujourd'hui, la mer est un espace sectorisé et règlementé, les frontières juridiques compensent l'absence de frontières factuelles : des eaux territoriales sous souverainté de l'Etat côtier à la haute mer appartenant au bien commun.

Depuis ses 30 dernières années, la formation d'un "droit de la mer" ou droit public des espaces maritimes a permi d'ériger un corpus juridique règlementant les espaces maritimes. En parrallèle, les usagers de la mer sont régis par un "droit maritime" ou droit privé des relations entre navigants.

Certains accusent le législateur de vouloir tout règlementer et se réfèrent au passé révolu des grands explorateurs des temps modernes. Les approches maritimes de notre littoral n’étaient, il y a encore 60 ans, pratiquées en majorité que par des professionnels. Désormais, le littoral est surchargé avec des concentrations de navires lors des saisons estivales et des comportements irresponsables.

La mer reste un partenaire exigeant qu’il faut savoir l'apprivoiser quand le progrès technologique, parfois trompeur, peut donner le sentiment que tous peuvent l’affronter sans préparation préalable.

 

"C'est la liberté qui oprime et la loi qui affranchit"

Cette formule de Henri Lacordaire pourrait se transposer au monde maritime. Certains plaisanciers poussent des cris d'orffraie à chaque nouvelle règlementation mais oublient que seule une règlementation générale permet le bien-vivre ensemble et de concilier les intérêts de tous dans une harmonie la moins houleuse possible.

Règlementer ce n'est pas sanctionner mais avant tout responsabiliser pour une navigation respectueuse et en toute sécurité, car au lâcher des amarres, certains îlots juridiques pourraient bien constituer des havres protecteurs dans un océan en perpétuel mouvement....

Pour conclure, l'excès de législation appliquée à la plaisance n'est pas encore d'actualité. Pourtant pourrait arriver du fait de mauvais usages, de mauvais comportements, d'accidents graves provoqués par des plaisanciers qui revendiquent leur liberté mais revendiquent surtout le droit de faire n'importe quoi au détriment de la liberté et de la sécurité des autres, plaisanciers et autres.

La loi s'impose dès lors que les usagers sont incapables de s'auto-réguler. Quelques plaisanciers au lieu de de se former, d'aborder la mer avec respect et humilité et de respecter les autres usagers en font un terrain d'expression de leur pires penchants : égoïstes, pollueurs, irrespectueux, imprudents, ignares, amoraux, et "immortels".

Cette petite minorité pourrait fait beaucoup de mal avec pour conséquence des lois contraignantes et des tracasseries administratives, tout en revendiquant une sois disant liberté. A chacun donc de se prendre en main et de bien connaitre la mer et sa législation, pour éviter les dérives législatives, et ses corollaires qu'aucun ne souhaite.


Legisplaisance - Association du droit de la plaisance