Pour se detendre un peu: Les instruments et objets du bord

Les instruments et objets du bord

L’on dit souvent que sur un bateau de voyage, afin de ne pas s’encombrer il faut être minimaliste concernant tout ce que l’on possède à bord afin de ne pas s’encombrer de choses inutiles et de gagner du poids.
Navigant seul, ce n’est en théorie pas la place qui me manque bien que mon bateau ne mesure que 30 pieds et pour être plus précis, pour les terriens, il est d’une longueur exacte de 9, 15 mètres.
Bien que n’étant pas du tout matérialiste, j’ai toujours aimé les beaux objets. En particulier, ceux ayant du cuivre et du laiton. C’est ainsi, qu’en prévision de futurs voyages, je me suis vu offrir il y a quelques années quelques instruments de bord comme un baromètre, un thermomètre mural avec hydromètre et un étrange objet que l’on appelle une horloge à marée.
Cet ensemble, joliment disposé et accroché sur la cloison qui sépare le carré, c'est-à-dire ma salle de séjour, du coin nuit ; si dans l’ensemble cette belle panoplie reste indispensable pour tout marin, l’horloge à marée me pose un certain nombre d’interrogations. Comment fonctionne-t-elle, à quoi peut-elle bien servir ?
Bien sur, il y avait une documentation et un mode d’emploi dans le joli coffret qui l’accompagnaient, mais cet insolite instrument m’interpelait sans cesse. Une fois réglée lors de la mise à l ‘eau du bateau durant les quelques jours qui précédèrent mon départ du port de l’ Herbaudière dans le nord de cette jolie petite ile de Noirmoutier ou je réalisais l’essentiel des travaux sur « Rêve d’une Vie »’elle m’indiquait avec la précision métrologique qui est la sienne, les marées hautes et les marées basses dans un silence reposant.
Je la regardais plusieurs fois par jour. Elle semblait totalement indifférente à mes interrogations.

Comment pouvait elle savoir, connaitre ce qui est fondé sur le mouvement apparent de la lune autour de la terre.. .Le long des côtes, la lune est le facteur principal qui conjugue l'effet des forces gravitationnelles entre lune et soleil créant ainsi les marées ? Mais que se passe-t-il en haute mer, les courants et les marées se figent ils pour lui donner tord, un enchanteur pervers lui aurait il accordé un quelconque pouvoir lui permettant d’arrêter les forces de la nature ou le temps ?
Le temps, quel drôle de mot. On connait le temps qu’il fait, on espère savoir celui qu’il fera, dans les heures, les jours voir les semaines à venir. L’horloge à marée m’intrigue. Sourde à mes questions, je ne veux pas la contrarier. Mais elle semble indifférente et inlassablement elle égraine les secondes et les minutes dans un compte à rebours hallucinant, passant d’une marée haute à une basse mer, m’indiquant à l’envers de toute logique humaine un décompte vertigineux sur une montre de 24 heures et 50 minutes. Ses états d’âmes entre deux mers parfois m’inquiètent. Nous savons tous qu’en fonction des vents, voir des coefficients, que toute cette belle logique se trouve parfois bien mise à mal.

Seul sur mon bateau, il m’arrive souvent de parler aux objets. Ce n’est pas nouveau, d’autres avant moi ont agis de la sorte. Les marins, les aviateurs peut-être aussi, savent que certains objets ont une âme. En prêtant attention, de temps à autres j’ai même pu constater qu’ils nous répondent. Certains sont même effrontés, d’autres ont de l’humour. Mais malheur à ceux qui ne savent pas leur accorder l’attention qu’ils méritent.

Car ils nous parlent. Il arrive aussi qu’ils se rebellent.
Tenez, l’autre jour de retour de mon jardin, après avoir arrosé mes fleurs, vous savez ce jardin extraordinaire sur mon voilier, sorti de mon imaginaire et bien ma canne s’est rebellée car je ne l’avais pas invité à m’accompagner. Qu’aurais je pu faire d’une canne de bois dans mes rêves éveillés ? Par trois fois elle chuta du support confortable ou je l’avais accrochée, tentant même de me frapper sur la tête. Nous avons du avoir une explication tous les deux. Le capitaine à bord, c’est moi. Ce ne sont tout de même pas les objets qui vont commander. Il ne faudrait pas que la contagion s’installe à bord comme un scorbut sur un galion égaré.

Quoi que. Certains font aussi ce qu’ils veulent m’intimant parfois des ordres. Par exemple, prenez le baromètre. Ce qu’il peut être autoritaire celui là. Si vous ne l’écoutez pas qui sait ce qui peut arriver. Il a des pouvoirs extraordinaires. Son autorité fait force de loi et même les océans et les vents le craignent. Il commande aussi à d’autres objets. Il est maitre en son domaine, si si vous n’avez qu’à demander à votre anémomètre, il sait de quoi je parle, vous seriez surpris de constater à quel point son autorité est respectée par celui-ci.
De ce fait, pour en revenir à notre horloge à marée, je me suis dit qu’il serait de bon ton de les rapprocher tous les deux. C’est ainsi, qu’à la place d’honneur se situe le baromètre entre l’horloge à marée et le thermomètre. Si je suis bien le capitaine, je me dois de veiller à ce qu’aucune tentative de mutinerie ne naisse à mon bord parmi tous ces objets, pardon ; ces instruments. Attention de ne pas les vexer, ces trois la sont assez susceptibles. Pour l’instant Baromètre veille. Mais au fil du voyage Horloge à marée semble devenue folle, comme prise d’hysterie.

Elle m’indique de faux renseignements. Je m’en suis inquiété et en ai parlé au baromètre mais celui-ci semble indifférant.
J’insistais et dans un haussement d’aiguille, pointant sur 1024 hectopascals, il me renvoya vers la notice. J’interrogeais Lord Kelwin ; un orfèvre en la matière qui me rappela que la terre était ronde.
Ronde d’accord mais plate ? Tout le monde sait qu’elle est plate et qu’elle ne tourne pas. Pauvre ignorant me dit-il, «Elle aurait pu être ronde et plate, or il se trouve qu’elle est ….Sphérique, et encore ! »
Me voici rassuré, moi qui hésitait à reprendre mon voyage sur les océans de peur de basculer tout entier avec mon bateau dans un abime inconnu à l’extrémité de ce monde. Il me fallait acquérir la connaissance.

La connaissance, voila, c’était dit, la connaissance quel joli mot. J’ouvris donc le livre des savoirs. Non pas la bible ni le livre de bord, mais la notice de chez « Altitude » se apportant à l’horloge à marée. En fait les marées varient aussi en fonction de la longitude et de la latitude à laquelle ou nous nous trouvons sur cet instrument bizard.
Voila, je savais. En fait je comprenais soudain que nul enchanteur n’avait accordé de pouvoir magique à cet instrument qui soudain ne m’apparaissait plus aussi complexe que je ne l’avais pensé au préalable. Comme dans un clin d’œil le baromètre pour se moquer de moi, redescendait de son aiguille dorée vers la graduation des 1005 hectopascals à mi route entre un temps variable et une légère dépression montant des cotes ouest de l’Afrique centrale. Par précaution, je décidais de quitter mon mouillage un peu trop exposé pour rejoindre celui indiqué par un ami sur la Rio Guadiana. Il y fait très chaud en ce moment mais en bénéficiant des courants de marée j’y serai avant la nuit. Pas le temps de régler l’Horloge à marée, cela attendra demain. Il me suffisait simplement de consulter les éphémérides qu’un commerçant d’Olaho m’avait données. Je pourrai ainsi faire quelques provisions d’oranges sauvages que l’on trouve la bas entre Portugal et Espagne.
Tout compte fait, je l’aime bien cette horloge à marée, aussi belle qu’inutile pour la suite de mon voyage hauturier, elle saura garder sa place pour la partie côtière de celui-ci. Ne le dites à personne mais je crois qu’elle est amoureuse du baromètre

© Etats d’âme

Pour retrouver directement l'ensemble de mes publications, cliquez ici:

L'équipage
29 août 2019
29 août 2019

:pouce:

29 août 2019

60 minutes / (28 jours / 24 heures) = 51,428571428571428571428571428571 minutes

29 août 201929 août 2019

Merci pour ce beau passage. Je me suis abonné à la page facebook, c'est si rare d'avoir plus de texte que d'images! qu'il ne faut pas la rater.
Sur mon nouveau voilier, il y a un barographe, objet qui me faisait rêver, me rappelant mes jeunes années sur les cargos. Le précédant propriétaire l'a laissé, car il y est depuis le début. Il note consciencieusement ses état d'âme, sans pudeur: depressions, puis bonne humeur, je l'aime beaucoup, mais le laisserais là si un jour je quitte le bord, c'est sa place.
Bonne navigations

30 août 2019

J'ai longtemps eu une Petromax à bord. J'aimais l'objet et l'ambiance taverne qu'elle procurait quand on refusait le monde en sirotant whisky ou vieux rhum.
J'ai du m'en séparer, car les allumages étaient devenus de plus en plus scabreux.

30 août 2019

Merci à tous pour vos retours et vos réponses, ça me touche beaucoup, je continue d'écrire et d'essayer de vous faire rêver un peu en se détendant. Mais le voyage continue :coucou:

La Giraglia

Phare du monde

  • 4.5 (115)

La Giraglia

2022