Corsaires et Armement en Course

Corsaires et Armement en course.
The Taking of the 'Kent' by Robert Surcouf (1736-1827) in the Gulf of Bengal, 7th October 1800, peinture d’Ambroise Louis Garneray.

Les corsaires... quelques avis:

Benjamin Franklin, philosophe et un des pères fondateurs des États-Unis, s’écria un jour de 1700 et des poussières :
« Pourquoi les gouvernements ne conviennent-ils pas par un Traité solennel de respecter et protéger, même en temps de guerre, les navires marchands non armés, pourquoi ne proscrirait-on pas à jamais l’usage odieux des corsaires, reste de l’ancienne piraterie ? »

Le député français Kersaint, devant l’Assemblée législative, déclare le 30 mai 1792 :
« L’Assemblée nationale déclare qu’il est de l’intérêt de toutes les nations de l’Europe de proscrire l’usage de la guerre par la voie des corsaires... en conséquence il ne sera délivré aucune commission pour armer en course... »
Et Lasource renchérit :
« Il y a peu de différence entre les corsaires et les pirates et on devient vite un brigand insigne quand on est un voleur patenté. »

Mais fin janvier 1793, Brissot le girondin déclare :
« Les citoyens français pourront armer en course. Le ministre de la Marine délivrera des lettres de marque ou permissions en blanc d’armer en guerre et courir sur les ennemis de la République »
Et la Convention confirme :
« Il sera accordé des primes et des récompenses aux corsaires qui ramèneraient dans les ports de la République des navires chargés de subsistance ».

...Entre Kersaint et Lasource et quelques mois plus tard la Convention et Brissot, ce qui a changé en France c’est le renversement de Louis XVI et la proclamation de la République.
... un drôle de changement de cap, la tête de Louis XVI est tombée il y a quelques jours à peine dans le panier et les brigands ont les mains libres.
Pour Brissot, le temps des mains libres diminue: dans 8 mois il gravit les escaliers et rejoint Louis dans le panier.
La différence entre un royaume ("mon royaume pour un cheval" écrivait Mohrt) et une république:
...Le zélé roi est mort, vive les scélérats!

Cette guerre des corsaires va se limiter à deux nations: la France et l’Angleterre... et à tenter le diable, les « frogs » vont s’en mordre les doigts, ou se manger les pattes... de « grenouilles ».
Never forget : Britany rules the world... and the Seas !

Le 23 février 1793, la Convention bien bavarde, comme moi, affirme :
« L’Anglais sera aussi vaincu sur l’élément théâtre de sa puissance. L’armée navale française doit marcher de victoires en victoires. Débarrassée d’une vile noblesse elle est invincible. Marine, tente les abordages, la hache à la main. Qu’ils tombent sous tes coups, ces fiers insulaires, despotes de l’océan ! »

Le 23 thermidor de l’An 3, Defermont présente devant la Convention le nouveau décret sur les armements « en course » :
« Notre but ?... anéantir le commerce de nos ennemis. Le gouvernement anglais pourra se pavaner dans ses escadres de guerre. Le Français se bornera à l’attaquer dans ce qu’il a de plus cher : ses richesses. Notre but : ravager ses colonies, détruire son commerce, le conduire à la banqueroute, ... Il faut décréter le rétablissement de la course »... donc des corsaires.

En lisant les propositions de Defermont on comprend qu’il rallie surtout à lui les aventuriers, les bandits de grande orthodromie, les voleurs, les pilleurs, la lie de la société.

Et Robert Surcouf là-dedans ?

Il s’agit avouons le d’un pirate et d’un corsaire, suivant ses intérêts du moment, et d’un trafiquant d’esclaves... il n’y a pas de petit profit , (c’est ainsi lui qui fournissait tous les pères fouettards des Saint-Nicolas belges du temps jadis).

Il commence sa carrière à l’âge de 16 ans, en 1789.
Malgré l’abolition du commerce maritime des esclaves en 1793 par la Convention, Surcouf devenu commandant du « Créole » s’y livre sans vergogne.
Il commande ensuite l’Émilie et se livre à la course, en toute illégalité car ne disposant pas de lettre de marque française.
En 1800 il commande le bric Confiance, avec 150 hommes et 18 canons.
Cette même année, le voilier Kent sous le commandement de Robert Rivington effectue son premier voyage. Il a quitté l’Angleterre début mai. Il est en route vers le Bengale lorsque le 7 octobre Surcouf s’en empare, à proximité de l’embouchure du Gange.
La bataille fera 11 victimes côté anglais et quelques blessés, dont un succombera à ses blessures, côté français...
Coïncidence : le même nombre de victimes que lors du naufrage du canot des immigrés en Manche il y a 3 semaines.

Confiance- Kent, une belle victoire ? Une grande victoire navale ?
Par comparaison : PSG – Club Brugeois 4-1... il y a une semaine, idem... à vaincre sans péril....

À son retour, Surcouf sera décoré de la Légion d’Honneur et, ayant fait fortune, s’installera comme armateur. Il armera encore de nombreux navires corsaires, qui connaitront des fortunes diverses. Il se lancera aussi dans la pêche du côté de Terre-Neuve.

Un héros ?
De bandes dessinées, certainement.
De l’inconscient collectif infantile ? Aussi ! ... mais encore ?
Un héros ?
Comme Al Capone, côté terre, côté prohibition et maisons de jeux.... de société, dont acte et conclusion du Monopoly :
« Direct en prison sans passer par le start ».
En attendant, en Belgique, nous avons un Roi, une Reine, et pas d'élections présidentielles en avril prochain. C'est pas mal non plus!

L'équipage
10 déc. 2021
10 déc. 2021

Je pense que la comparaison avec l'époque actuelle ne sert à rien.

Au 18e-19e siècle la guerre avec l'Angleterre était totale et chacun des deux belligérants ne manquait jamais de se battre contre l'autre. Celui qui contrôlait l'Atlantique contrôlait alors le monde.

L'abolition de l'esclavage à cette époque était très loin de se finir malgré le décret qui fut aboli par la suite sous l'influence de Joséphine dont la famille possédait de nombreuses terres autour de la baie de l'actuelle Fort de France.

Surcouf était très loin d'être une exception. Je trouve que ta remarque à cet effet mériterait plus de retenue de la part de quelqu'un qui vit en Belgique dont le roi Léopold a été l'un des plus grands contributeurs de l'esclavage déguisé en nécessité colonialiste à l'époque...

Surcouf est peut-être aujourd'hui un personnage de bandes dessinées mais il fut surtout un de ceux qui ont fait que la France fut alors respectées sur toutes les mers car on craignait de le rencontrer. Il est vrai qu'il a souvent été border line mais qui l'aurait arrêté? Les rois, reine et empereurs de la vieille Europe ont toujours su utiliser les corsaires comme bon leur semblait sans pour autant apparaître comme belligérant... C'était une ruse bien connue. On ne pouvait le leur reprocher.

La comparaison avec Al Capone n'est pas bonne non plus. Ce dernier a délibérément choisi de vivre du crime et de la prohibition. Surcouf, lui est toujours resté dans les limites qu'on lui imposait et il s'agissait d'une guerre ouverte et officielle avec les anglais. Son statut de Corsaire lui permit en plus de s'enrichir car il conservait une part des prises à son propre compte. Les anglais ont fait la même chose avec les buccaneers.

10 déc. 2021

Quant à la Belgique, elle a quand même été très mal gouvernée il y a peu de temps. Combien de temps a t-il fallu pour constituer un gouvernement? Deux années il me semble...

10 déc. 2021

Coluche avait de l'humour... apparemment il ne fut pas partagé équitablement entre les 67 millions d'hexagonaux. À part cela : le roi et le gouvernement en Belgique, c'est là deux choses bien distinctes, le roi ne "passant pas" (sauf à la belote) contrairement à l'autre. Quant à Philippe 1er, englué dans des affaires judiciaires? Apparemment tu en sais plus (ou moins) que moi qui l'ignorais. C'est chouette "Hisse et Oh", journal anti-monarchique! Ou alors tu es arrivé avant moi ce matin à la taverne et tu as exagéré sur la mousse! Amitiés!

10 déc. 2021

Et pour le roi, englué dans les affaires judiciaires, il me semble qu'il n'a pas trop de leçons à donner à un gouvernement quel qu’il soit...

10 déc. 2021

Revenons à un peu de légèreté. Tout le monde sait que Surcouf portait toujours au combat une chemise rouge. A ceux qui plus tard lui demandaient pourquoi, il expliquait crânement que cela évitait de rendre trop visible une éventuelle blessure, qui aurait pu décourager ses hommes ou exciter ses ennemis.

Seuls quelques initiés, gardant bien le secret, savaient également pourquoi il portait, dans les mêmes circonstances, un pantalon marron.

10 déc. 2021

Bonjour,

Rigolo. Imaginez vous que Robert Surcouf est l'une des premières personnes que j'ai rencontré professionnellement lors de mon premier séjour en Martinique en 2004. Il était géreur d'une exploitation bananière sur laquelle il y avait suspicion de présence d'une bactérie pathogène. Quand nous sommes arrivés, il avait en main un coutelas qu'il frappait délicatement dans son autre paume. J'ai pas pu m'empêcher d'éclater de rire.

10 déc. 2021

Cela fait 48ans que j'entends dire que les belges racontent, eux, des histoires francaises.
Je ne pensais pas qu'elles etaient aussi ennuyeuses.

10 déc. 2021

Un truc amusant à savoir, qui s'écarte du post initial mais reste dans le thème:
La guerre de course a été abolie par le traité de Paris de 1856, signé par les grandes puissances de l'époque, mais pas par les Etats-Unis. En outre, accorder une lettre de marque fait, aujourd'hui encore, explicitement partie des prérogatives constitutionnelles du congrès américain.

Constitution of the United States, Article 1, Section 8:
The Congress shall have Power [...]
To declare War, grant Letters of Marque and Reprisal, and make Rules concerning Captures on Land and Water [...]

10 déc. 202110 déc. 2021

Bonsoir à tous.
Je suis actuellement et encore pour quelques semaines maxi j'espère, gardien d'une Malouinère.
Les malouinières sont à St Malo des maisons (petits châteaux) de plaisance construits par les armateurs malouins du 17 et 18 ième siècle avec l'argent qu'ils ont gagné en course (un peu aussi avec le commerce triangulaire mais St Malo est un des ports français qui a le moins usé de ce trafic, les premiers sont Nantes et Bordeaux). Si Pour les armateurs, la course pouvait s'avérer une bonne affaire, il faut savoir que pour les marin, elle n'était pas un choix. Les pécheurs ne pouvais plus sortir des ports, systématiquement arraisonné par les corsaires anglais (ou hollandais suivant l'époque). Pour eux la seule solution pour gagner leur vie était de s'engager dans la course.
Certains bateaux étaient parfois pris et repris plusieurs fois par les différents protagonistes et très peu de réels combats avaient lieux. Le plus lent et le moins armé rendait souvent les armes avant le combat.
Concernant Surcouf, il n'est pas devenu armateur grâce à l'argent gagné en course. Il est issu d'une grande famille d'armateurs malouin et était de toute façon destiné à cette fonction. Il s'est surtout distingué par son goût pour la baston, continuant les coups de force pour le plaisir, plus que pour les gains qui ne faisaient qu'arrondir ses fins de mois déjà bien confortables
Malouinière
Malouinière
Le Renard dernier bateau armé pour la course par Surcouf
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11 déc. 2021

Waw! Ça vaut presque une place de gardien de phare... superbe! Veinard!

Phare du monde

  • 4.5 (171)

2022